Carte postale

« On ne rejette pas vraiment les rigolos,
mais on s’en éloigne un peu.
 »

Faites ce que je dis…

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Ah, la France d’antan aux couleurs ripolinées, la France de jamais et de province qui se vend si bien, et qui a donné des choses si laides, mais qui rassure à la façon de ces mauvais souvenirs devenus bons par le seul effet de l’éloignement ! Des choses si mauvaises ou si clichés comme les DS et l’accordéon, pour être maintenant les signes extérieurs de la francitude chez les Américains, et comme le Pensionnat de Chavagnes ou même le Petit Nicolas, bédé légère et film indigeste, se terminant sur cette réplique du jeune héros annonçant vouloir faire du rire son métier alors qu’il n’a fait rire personne jusque-là… C’est dans cette France des Trente Glorieuses reconstituées que tous les commerces étaient de proximité, et que tous les commerçants vous souriaient même si vous n’achetiez rien, mais aussi que le vélociste Raoul Taburin est né ou presque, vu que Sempé l’a créé en réalité dans les années quatre-vingt-dix. D’ailleurs, le réalisateur a choisi la recette que le spectateur est en droit de craindre ou d’attendre, en tout cas pour ce qui est de l’unité de lieu : « on voulait un lieu qui tire vers le côté simple et désuet (…) et l’équipe a simplement enlevé tous les éléments qui auraient permis de dater l’action. »

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Cigales, pétanque et pastis avé l’assent, ça sent tout de suite le Pagnol en couleur et les clichés pastel, ce mélange dangereux de déjà-vu et de fantasmé, qui ressemble fort à une disneylandisation à la française… La construction alambiquée, avec flash-back et rêves éveillés, tente d’enrichir un sujet plutôt plaisant mais très court, et paradoxalement sans oser sortir d’un cadre où les personnages principaux sont emblématiques au point d’être caricaturaux. De toute façon, la musique met en l’air ces maigres efforts, en donnant dès le début dans l’accordéon, puis en allant de la facilité avec une Marche turque réorchestrée à la faute de goût avec de la pop anglaise en plein village ! Le sujet est très court mais tout paraît long, et la fin est un lent soulagement, avec cette prise de conscience par l’épouse du secret caché, étonnamment tardive et aussitôt gâchée, par un épilogue qui ramène à la conclusion de la bédé en lui retirant sa subtilité…

Pour public averti (et qui cherche la France là où elle n’est pas) : Raoul Taburin a un secret (2019) de Pierre Godeau (surtout connu pour être un fils de, en l’occurrence d’un producteur-distributeur, en l’occurrence de la société produisant et distribuant son Taburin), avec Léo Dussollier (encore un fils de, car le cinéma est une grande famille) et surtout le duo de l’esprit Canal post-Nuls (Baer et Poelvoorde, ici fatigués comme le reste)

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